ALPHA CONDE – KASSORY FOFANA : L’énigmatique épilogue d’un duel froid (Kafoumba Kamara)

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Pour les esprits lucides, le deal qu’ils avaient affiché en alliance n’était que circonstanciel. Finalement, Alpha Condé et l’un de ses plus farouches opposants, en l’occurrence Kassory Fofana, le leader de l’ex parti GPT (Guinée Pour Tous) et son slogan ‘’Libère ton Esprit’’, sont loin de tirer l’épilogue de leur duel…
Allons-en aux faits…
Réputé très rusé en politique au point d’en être qualifié de ‘’animal politique’’, Alpha Condé aura tout de même réussi à agenouiller (à rouler dans la farine) la quasi totalité de ses concurrents et/ou opposants. Durant les deux dernières décennies, force est de reconnaître que l’ancien président guinéen, renversé le 05 septembre 2021 par un coup d’état militaire, a marqué de son emprunte et mener la politique de son pays.

Au gré des circonstances, il a domestiqué des leaders politiques comme Ousmane Bah de l’UPR et adopté d’autres comme Baidy Aribot, Malick Sankhon de LCC et Mouctar Diallo des NFD. Il a pressé comme un citron Ousmane Kaba du PADES avec la certitude d’en avoir tiré tout le contenu, berné Lansana Kouyaté du PEDN et couillonné Mamadou Sylla de l’UDG. Il a dorloté et caressé au sens du poil Bah Oury de l’UDRG et Faya Milimono du Bloc Libéral et s’est surtout servi, comme ‘’mouchards’’ jetables et récupérables à merci, de Makanera Kaké de Dimboré, et Papa Koly Kourouma du GRUP…
Au même moment qu’il détruisait calmement Sydia Touré de l’UFR, il faisait les yeux doux à Makalé Traoré du PACT en déroulant un tapis glissant, couvert d’une pelouse ‘’brillante’’ de chef de file de l’opposition sous les pieds de Cellou Dalein Diallo de l’UFDG.
Ce fut très malin de la part de Dalein de ne poser dessus qu’un seul pied. Ce qui lui permis de garder l’équilibre par la suite, lorsque le ‘’vieux loup’’ a décidé de retirer son tapis…

Et Kassory Fofana dans tout ça ?
Il est important de savoir que dans le landerneau politique guinéen il y a ce quartette d’amis, de très longue date. Dr Mohamed Diané, Amadou Damaro Camara, Sékou Ghoureysi Condé et Ibrahima Kassory Fofana.
Il faut aussi compléter cette liste par le cinquième larron, Alpha Condé, pour obtenir le vrai QUINTÉ POLITIC guinéen.
Dans la bibliothèque collective des secrets de ce QUINTÉ sur la Guinée, même Satan en ressortirait avec des vertiges, après un petit laps de temps de visite…
Après les présidentielles de 2010 et les législatives de 2013 où il s’est finalement rendu compte de son poids électoral, à la limite insignifiant, Kassory Fofana ‘’libère son esprit’’ et opte pour la méthode de son grand frère, ami de longue date, surtout président de la république.
Première étape, il négocie le rapprochement et bascule de l’opposition à la mouvance présidentielle.
Deuxièmement, il négocie et obtient le poste de premier ministre en faisant fondre son parti dans le RPG.
A cette étape, un premier pas est franchi. Ibrahima Kassory Fofana est dans l’enceinte du palais.
Un palais au sein duquel une histoire de troisième mandat mais aussi de suspicion de santé précaire (des rumeurs persistants de pronostic vital) du chef hantait les esprits et faisait germer des velléités de succession.
Pour se faire une place dans un panel où trônent Amadou Damaro camara, président de l’Assemblée Nationale et dauphin constitutionnel, Mohamed Diané, ministre de la Défense et détenteur des clés des casernes, Ibrahim Kalil Kaba, ministre des Affaires Etrangères qui a su dompter le chef, Kassory Fofana sait qu’il y a grain à moudre.
Il n’y va pas de mains mortes. Il privilégie l’ordre à la loi, puis il promet que dans 5 ans la Guinée va dépasser la Côte d’Ivoire. Même son chef, le breveté des promesses, est bluffé.
Kassory Fofana a désormais sa place et le rêve est permis.

Il engage des tractations pour introduire un poste de vice-présidence dont il lorgnait désormais dans la nouvelle constitution en gestation. Avec la méfiance que cela commençais à susciter, il abandonne cette option et s’implique activement dans la promotion du 3e mandat dont il fut d’ailleurs bombardé directeur de campagne.
Le troisième mandat obtenu mais l’état de santé du chef ne rassure pas. Les clans et les combines pour la succession sont en marche.
Pendant ce temps, dans son plan d’avoir une main mise totale sur l’armée, toute l’armée, Dr Mohamed Diané se heurtait au refus du Groupement des Forces Spéciales de retourner dans l’escarcelle du ministère de la défense alors que c’est un groupement d’élite relevant de la présidence.
Le tiraillement entre Dr Diané et le chef du GFS, le Colonel Mamady Doumbouya avait fait naitre un conflit rangé qui, à un moment donné avait impliqué la coordination mandingue pour éviter le pire.
Il se raconte que le ministre avait verrouillé tout accès à Alpha Condé sans passer par lui pour tous les membres des GFS. Personne physique ou courrier. C’est ainsi que le Colonel Mamady Doumbouya, par l’entremise de deux de ses connaissances (Moalim Touré et Ibrahim Konaté) proches du premier ministre, a pu rencontrer ce dernier et se confier sur le conflit qui l’oppose au ministre de la défense et informe en même de la menace du GFS de battre le pavé dans les jours avenirs.
L’information est rapportée à Dr Diané qui décide de passer à la vitesse supérieure. Il appelle Kassory et tente de le rappeler qu’il est de la 25e heure. Cela n’est pas du goût du premier ministre qui menace de démissionner. Alpha Condé effectue un déplacement au domicile de Kassory Fofana pour apaiser la situation.

Quelques jours plus tard, alors que crise battait son plein, interviennent la sortie du pays du président pour raison de santé déguisée en période de vacances et la triste nouvelle du décès de la fille de Kassory Fofana aux USA où ce dernier devait s’y rendre.
Dès que le premier ministre est sorti du pays, Dr Mohamed Diané fait diffuser un communiqué de nomination d’un premier ministre par intérim. Il avait une forte présomption que le voyage du chef était long ou définitif et avait confié la mission au Général Ibrahim Baldé, Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice Militaire de convoquer et mettre en détention le Colonel Mamady Doumbouya.
Le Général Baldé avait confié, à son tour, cette mission au colosse Bala Samoura qui est soupçonné d’ailleurs au sein de la junte d’avoir joué en même temps sur deux terrains. Il semble qu’il aurait éteint ses téléphones au moment des opérations du 05 septembre pour attendre de savoir laquelle des missions exécuter. S’afficher avec la junte en cas de réussite ou mettre à exécution l’injonction du Général Baldé.
Le chef du GFS qui n’eut la tête sauve que grâce à un appel téléphonique d’Alpha Condé qui a demandé à Dr Mohamed Diané de tout sursoir jusqu’à son retour savait désormais que ses jours de liberté sont comptés. C’est ainsi qu’il reprendra contact avec Ibrahima Kassory Fofana pour l’informer que désormais le Groupement des Forces Spécial est obligé de manifester pour demander le limogeage de Dr Diané.

Ibrahima Kassory Fofana et Mamady Doumbouya décident alors de faire front commun. L’un apporte le financement et l’autre apporte les hommes et conduit l’opération pour renverser le pouvoir.
Le lendemain du jour des obsèques de sa fille à Forécariah, une grosse manne financière de 3 millions de dollars a transité entre les équipes des deux hommes.
Kassory Fofana avait recommandé qu’en cas de réussite, la première mesure pour les nouvelles autorités devait être la mise en retraite ou tout au moins leur éloignement du cercle de commandement. Il a aussi émis le souhait d’introduire deux de ses hommes des forces armées dans le groupe et le Colonel a accepté. Les noms des colonels Balla Samora et Amara Camara ont été donnés. Ils ne sont pas membres des GFS mais des représentants du bailleur de fond dans le putsch qui a renversé Alpha Condé.
Ce dernier ne s’est rendu compte exactement de ce qui lui est arrivé que plus tard et trop tard…
Il a opté pour le profil bas jusqu’à ce qu’il obtienne la possibilité de sortir de la Guinée. Aujourd’hui, dans sa résidence privée à La Havane, Alpha Condé a encore les coudés libres pour activer ses innombrables manettes.

D’ailleurs il ne s’en prive pas. Le vieillard de 84 ans vient de s’offrir un jet privé dont la livraison est prévue le 04 Mai prochain à Ankara, en Turquie. Il serait entrain de remobiliser sa troupe.
L’un de ses lieutenants, Tibou Camara, ancien ministre d’état, inculpé et mis sous contrôle judiciaire, aurait réussi à faufiler. Il a été aperçu dans un complexe hôtelier à Paris où il a effectué un court séjour en fin mars, au même moment que l’ancien directeur national de la caisse de sécurité sociale et la très célèbre ancienne ministre Zénab Nabaya.
Aux dernières nouvelles, Tibou Camara se serait discrètement retourné à Conakry. Bénéficie-t-il de complicité au sommet ? Pour qui roulerait – il ?

Des frictions au sein de la junte qui risquent de peser sur l’entente avec Kassory ?
• Il y a quelques semaines, un bateau a été en raisonné aux larges de Conakry avec à bord une importante cargaison de drogue. C’est une patate chaude pour la junte dont certains membres auraient des intérêts divergents et se voueraient une opposition féroce.
• Le Colonel Doumbouya se sentirait de plus en plus en minorité par rapport à son associé qui ne cesse d’asseoir sa main mise sur les leviers du pouvoir.
• D’autres bailleurs de fonds, notamment des politiciens guinéens avaient été contactés par Doumbouya avant le putsch du 05 septembre. A l’insu de son associé et pour les mêmes raisons. Deux leaders politiques, l’un résidait en Europe et a immédiatement rejoint le pays dès le lendemain et l’autre en Guinée, y ont aussi misé sur le ticket Doumbouya pour un montant avoisinant 2 millions de dollars.
• L’épine dorsale du colonel Doumbouya reste encore le camp Alpha Yaya. Le fait qu’il ne s’y est pas rendu depuis sept mois de prise de pouvoir en dit long…

Par Kafoumba Ramos Kamara