Allez-y, mon colonel. Les voyants sont au vert. Menez-nous à bon port ( par Sénateur!)

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Colonel Doumbouya (Photo by CELLOU BINANI / AFP)

Le pouls de l’espoir est revenu après avoir disparu sous les impitoyables coups de la cruauté étatique de ces dernières années. Le cœur du rêve positif bat de nouveau dans notre pays après s’être fait déchiqueter par le sabre sanglant d’un système vénal. Les Guinéens ont renoué avec le sourire sincère, à la place des grimaces à chaque fois que le système frappait sur le corps et l’âme sans défense du peuple. Le peuple a célébré le « coup d’Etat démocratique » ; salué son auteur ; et a eu confiance en l’élan montré. Les voyants sont donc au vert. A vous de jouer, mon colonel !

  Heureusement que vous nous faites observer par vos discours que le diagnostic du mal guinéen est fait ; que vous avez mis le curseur sur les tâches noires ; et que la volonté de les blanchir est fortement appréhendable dans votre regard. Vous savez que l’avènement du CNRD est la résultante de la tradition d’erreurs et de fautes dans la gestion de la République. Vous l’avez dit. Plus intéressant, vous ne voulez pas répéter les erreurs du passé.

N’écoutez pas les sirènes de la précipitation politicienne

Mon Colonel, à chaque fois que notre pays connaît une transition, l’échec semble une évidence. Certes, on échoue généralement du fait du non-respect des engagements de nos chefs d’orchestres ; mais on échoue également parce qu’à chaque fois, les malheureux partis politiques assimilent Transition et Élection présidentielle. Les leaders politiques de circonstance lors de chaque transition ont tout donné pour que le seul moteur, le seul leitmotiv de la feuille de route soit la Commission électorale et ses échéances.

Mon Colonel, on ne vous demande pas de reproduire le scénario du CMRN en installant l’éternité à la place du temps de redressement promis ; venir en Colonel pour repartir en richissime Général aux frais d’un contribuable essoré. On ne vous demande que le strict respect de vos engagements : élaguer l’Etat guinéen, bâtir un système de gouvernance performant, et concrétiser l’unité nationale ; puis, bien sûr, s’en aller de la plus belle des manières.

Mon Colonel, pas à pas, sans précipitation ni volonté de s’éterniser à la tête du pays, aidez-nous à poser les jalons d’une administration dépersonnalisée, décolorée et à l’écoute de tous les Guinéens.

La transition la plus civilisée 

Il n’y a nul doute, mon colonel : la nature de la transition que vous conduisez est exceptionnelle. Déposer un président pour dérive du droit chemin, restaurer les libertés confisquées, rétablir d’anciennes victimes de violences d’Etat, organiser des concertations nationales, composer une équipe gouvernementale aussi attrayante que rassurante, aller dans l’esprit du temps examiné… Quelle pédagogie ! Vous menez ainsi le processus de transition politique le plus civilisé du continent. Sans force même contre ceux qui sont reprochables, sans mariage avec les forces du mal, sans divorce avec la prudence et la discipline de l’armée que vous incarnées…

Mon Colonel, ne les écoutez pas 

Si, à seulement quelques semaines, les pôles reprochés de l’arène politique se méfient déjà, c’est que vous êtes sur la bonne voie : celle de l’impartialité.  Si le parti du président déchu agit cahin-caha et que d’anciens opposants crient déjà au manques de dialogue, c’est que vous êtes loin de la tromperie, loin de l’erreur. Vous êtes encore à l’abri !

Il y a des Guinéens qui sont devenus aujourd’hui un thermomètre naturel. C’est-à-dire qu’à partir d’eux, on peut jauger notre intégrité : s’ils apprécient, c’est que vous vous trompez. Mais s’ils critiquent, rassurez-vous, vous êtes irréprochable.

Allez-y, mon Colonel, menez-nous à bon port. Pour la première fois depuis très longtemps, les Guinéens expriment une fierté générale d’un élan présidentiel. L’émotion est grande et sincère. L’adhésion est nationale. Profitez-en, mon Colonel. Continuez de nous enchanter !

Abdourahmane Sénateur DIALLO, journaliste, auteur, blogueur.