Manifestations monstres en Algérie pour demander le départ du chef d’état-major de l’armée

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Des dizaines de milliers d’Algériens défilaient vendredi dans plusieurs villes du pays pour réclamer notamment la démission d’Ahmed Gaïd Salah, ancien proche de Bouteflika.

« Partez, libérez l’Algérie ! » Une foule immense défilait, vendredi 5 juillet, dans les rues d’Alger, malgré la chaleur et un important dispositif policier, lors du 20e vendredi de manifestations contre le pouvoir. En début d’après-midi, les manifestants ont forcé un cordon de policiers, munis de casques et de boucliers et postés à quelques mètres de l’esplanade de la Grande Poste, bâtiment emblématique des rassemblements. Des témoins ont rapporté une dizaine d’arrestations parmi les manifestants.

Comme lors des précédentes manifestations, les slogans ont à nouveau ciblé le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, qui détient, selon la contestation et des observateurs, le pouvoir réel depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril. « Gaïd Salah dégage », « le peuple et l’armée sont frères mais Gaïd Salah est avec les traîtres », ont scandé les manifestants à l’adresse de celui qui a maintes fois refusé leurs revendications.

Depuis la démission de M. Bouteflika sous la pression de la rue et de l’armée, la contestation refuse que le « système » en place organise l’élection présidentielle et réclame au préalable le départ de tous les anciens soutiens de l’ex-président, resté près de vingt ans au pouvoir.

Le célèbre avocat et défenseur des droits humains Mustapha Bouchachi, le diplomate et ex-ministre Abdelaziz Rahabi et d’autres personnalités avaient appelé à des manifestations « massives » pour ce vingtième vendredi de contestation. Pari tenu puisque les rues du centre d’Alger étaient noires de monde depuis la fin de la prière hebdomadaire musulmane.

Au son d’hymnes à la gloire des martyrs de la guerre d’indépendance, dont le pays célèbre ce vendredi le 57eanniversaire, les Algériens ont répondu à leur appel pour faire du 5 juillet « la concrétisation de la libération de l’homme, après la libération de la patrie » du pouvoir colonial français.

« On ne s’arrêtera pas »

Mercredi, le président par intérim, Abdelkader Bensalah, a proposé la création d’une instance de dialogue pour organiser une présidentielle et promis que l’Etat et l’armée ne s’y impliqueraient pas. Partis d’opposition, société civile et observateurs attendent de voir comment cette proposition sera concrétisée, car aucun nom n’a été avancé pour le dialogue.

« Ou c’est vous [le pouvoir] ou c’est nous, on ne s’arrêtera pas », ont crié les manifestants, rejetant à nouveau la feuille de route du pouvoir. « Ils sont en train de reformuler les mêmes propositions. Leur seul objectif est de maintenir le système en place. Donc pas de dialogue dans ces conditions », a lancé une manifestante de 28 ans, Linda Hamrouche.

Un premier appel au dialogue, lancé début juin par M. Bensalah et limité à la classe politique, avait aussi reçu une fin de non-recevoir de la contestation. La présidentielle, prévue le 4 juillet et rejetée par les manifestants, a été annulée faute de candidat. Alors que le délai de quatre-vingt-dix jours prévu par la Constitution pour l’intérim expire théoriquement le 9 juillet, M. Bensalah a dit qu’il resterait à son poste jusqu’à l’élection d’un nouveau président.

Climat répressif

Samedi, des partis politiques, des représentants de la société civile et des personnalités doivent tenir une réunion intitulée « assises nationales du dialogue ». Cette initiative « vise à mettre en place des mécanismes pour sortir de la crise et aller, dans des délais raisonnables, vers l’organisation » d’une présidentielle, a déclaré l’ex-ministre M. Rahabi.

Autre revendication, de plus en plus forte ces dernières semaines : l’arrêt du harcèlement et de la répression dont font l’objet les manifestants et militants ces dernières semaines et la libération des détenus d’opinion. Au moins une quarantaine de personnes – le chiffre est évolutif – ont été déférées devant les tribunaux et mises en détention pour port du drapeau amazigh (berbère), par exemple.

Vendredi, des dizaines de manifestants portaient des tee-shirts sur lesquels était écrit « Libérez Bouregaa », en référence à l’ancien moudjahid (résistant) et opposant, incarcéré dimanche après avoir critiqué le rôle de l’armée et de son chef d’état-major. « Quand on arrive à mettre en prison un héros de la guerre quelques jours avant (l’anniversaire de) l’indépendance, c’est qu’il ne reste plus rien à espérer de ce pouvoir », a estimé Lila Bouregaa, une nièce de l’ancien combattant.

Lemonde.fr

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